Introduction
Un état de choc se définit comme une insuffisance circulatoire aiguë qui diminue profondément la perfusion des organes et altère leur oxygénation, conduisant à une hypoxie tissulaire.
Mécanismes physiopathologiques
Diminution du volume intravasculaire (par perte liquidiennes ou sanguines).
↓↓↓ débit cardiaque (← ↓ retour veineux au cœur).
Incapacité du cœur à pomper efficacement le sang suite à un infarctus ou une insuffisance cardiaque.
- ↓ débit cardiaque
- ↑ pressions de remplissage.
Obstacle au remplissage (tamponnade, pneumothorax) ou à l’éjection du cœur (Embolie pulmonaire, infarctus du Ventricule Droit), provoquant une diminution du débit cardiaque.
Altération de la redistribution des débits régionaux, souvent due à une vasodilatation périphérique et une augmentation de la perméabilité capillaire. Mécanismes retrouvés dans le choc septique et le choc allergique
Classification des états de choc
Choc cardiogénique Causé par une défaillance du muscle cardiaque, souvent due à un infarctus du myocarde ou à une insuffisance cardiaque sévère.
→ Choc cardiogénique
Choc obstructif : Causé par un obstacle à la circulation sanguine (obstacle au remplissage ou à l’éjection), comme une embolie pulmonaire, une tamponnade cardiaque ou un pneumothorax compressif.
Choc hypovolémique
Absolu Causé par une perte importante de volume sanguin, due à une hémorragie, des brûlures, des diarrhées sévères, des vomissements importants ou une déshydratation.
Relatif (= distributif) Causé par une vasodilatation généralisée et une fuite capillaire, conduisant à une diminution du volume circulant effectif. On distingue deux types de choc distributif :
Septique Causé par une infection grave, qui provoque une réponse inflammatoire excessive et une vasodilatation.
Allergique : Causé par une réaction allergique sévère, qui libère des médiateurs inflammatoires et provoque une vasodilatation et un bronchospasme
Diagnostic
Hypotension artérielle et tachycardie réactionnelle
Pression artérielle systolique (PAS) < 90 mmHg.
Pression artérielle moyenne (PAM) < 65 mmHg.
Variation de plus de 30% par rapport à la pression artérielle habituelle chez les patients hypertendus ou présentant une pression artérielle habituellement basse.
Une tachycardie réflexe sinusale (fréquence cardiaque supérieure à 100 bpm) est généralement présente dans le but de tenter de maintenir un débit cardiaque suffisant. Cependant, une arythmie peut se déclencher ou s’accélérer à la faveur d’un état de choc.
Signes cliniques de choc
Fréquence respiratoire > 22 cycles/min, souvent due à une acidose métabolique (due à l’augmentation des lactates) ou à une atteinte pulmonaire secondaire au choc.
Apparition de marbrures cutanées, d’abord visibles sur les genoux puis s’étendant progressivement vers le haut, témoignant d’une diminution de la perfusion périphérique.
Le temps de recoloration cutané (temps nécessaire pour que la peau retrouve sa couleur normale après compression) qui est normalement presque instantané, deviens > 3 secondes, généralement mesuré au niveau du genou ou de l’index.
Altération de la conscience, allant d’une légère désorientation à un coma profond.
Diminution de la diurèse, souvent révélée par une surveillance de la diurèse et nécessitant parfois la pose d’une sonde urinaire.
Diurèse horaire < 0,5 ml/kg/h (à savoir < 30 ml/h pour un homme de 60 kg)
Éléments diagnostiques du choc
Le diagnostic d’état de choc est avant tout clinique et repose sur l’association de plusieurs signes.
Lactate artériel ou veineux > 2 mmol/l (= reflet de l’hypoxie cellulaire) ± Acidose métabolique (pH < 7,35 avec bicarbonates < 22 mmol/L)
Hypotension résistante au remplissage :
On parle d’état de choc en cas d’hypotension persistante malgré un remplissage vasculaire adéquat (30 ml/kg).
Mesures imédiates
Mise en condition immédiate et mesures thérapeutiques d'urgence
Un monitorage multiparamétrique (ECG, SpO2, FR, PNI toutes les 10 minutes) est indispensable dès la suspicion d’un état de choc, d’où l’intérêt de transférer rapidement le patient au déchocage, en soins continues ou en réanimation.
Une oxygénothérapie est nécessaire pour obtenir une saturation en oxygène (SpO2) > 95%. (ou 92% si BPCO) pour éviter l’hypoxie tissulaire et ses conséquences.
La pose d’une voie veineuse périphérique est indispensable pour traiter un état de choc (remplissage vasculaire, catécholamines, antibiotiques).
Un remplissage vasculaire rapide avec des cristalloïdes (solution saline 0,9%) est crucial pour corriger l’hypovolémie et améliorer la pression artérielle, sauf en cas de choc cardiogénique avec œdème pulmonaire.
Orientation diagnostique
Une hypotension résistant au remplissage + marbrures des genoux ou TRC > 3 secondes suffisent au diagnostic d’état de choc.
Situations où le diagnostic étiologique est évident :
- un patient admis dans un contexte traumatique (accident de la circulation, polytraumatisme) / postopératoire immédiat oriente vers le choc hémorragique.
- une hypotension brutale suite à l’injection d’un médicament allergisant (béta lactamines) avec apparition de lésions urticariennes ou d’un œdème de Quincke sont typique d’un choc allergique.
- l’apparition d’une fièvre élevée suivie d’une hypotension résistant au remplissage au cours d’une pathologie infectieuse (infection respiratoire, urinaire ou au autre …) est en faveur d’un choc septique.
- un patient hospitalisé pour douleur thoracique de type angineuse (douleur constrictive au milieu du thorax indiquée par le plat de la main ± irradiations typiques …) dont la pression artérielle baisse et qui présente brutalement un encombrement pulmonaire (OAP) est un bon candidat pour le choc cardiogénique.
- un alitement prolongé suite à la fracture d’un os long, un AVC ischémique, artériopathie des membres inférieurs, tabagisme chronique, pathologie cancéreuse (sont en faveur d’une embolie pulmonaire => choc obstructif).
… Dans 90% des cas la cause du choc est identifié à ce stade grâce à l’anamnèse et un examen clinique mais parfois le tableau clinique n’est pas aussi franc !
Examens indispensables
Pour évaluer la gravité de l’état de choc et rechercher d’autres défaillances d’organes :
Gaz du sang (mesurer l’hypoxémie et l’acidose) et taux de lactate (permet de prouver l’insuffisance circulatoire au niveau tissulaire).
Bilan hépatique : permet de déceler une souffrance hépatique.
NFS (anémie ← hémorragie, ↑ PN ← infection bactérienne, ou thrombopénie ← dysfonction plaquettaire) et bilan d’hémostase (recherche une CIVD)
Créatininémie et Ionogramme sanguin : la fonction rénale est la première altérée au cours des états de choc. Un ionogramme permet de guider la réhydratation au cours des états de choc.
Pour orienter le diagnostic et préparer le traitement :
ECG : recherche d’une insuffisance coronaire, ou un infarctus à l’origine d’un choc cardiogénique ou un microvoltage en faveur d’un épanchement péricardique qui pourrait orienter vers un choc obstructif …
→ en savoir plus sur l’ECG
Radiographie de thorax
Pour identifier des anomalies pulmonaires (OAP, témoignant d’une surcharge cardiaque ou lésions pulmonaires infectieuses) ou cardiaques.
→ en savoir plus sur la radio
Hémocultures
Pour identifier un germe responsable d’une infection, en cas de choc septique.
Groupe ABO et Rhésus
Pour préparer une éventuelle transfusion sanguine, si choc hémorragique.
Appeler le réanimateur
La prise en charge d’un état de choc relève de la réanimation, il est donc crucial d’appeler le réanimateur dès la suspicion du diagnostic et transmettre les informations pertinentes (constantes, examens réalisés et en cours : lactates, pH + contexte clinique) aux réanimateurs.
Mesures avancées
Surveillance continue et mise en condition
Monitorage continu des paramètres vitaux : ECG, SpO2, pression artérielle est essentiel pour suivre l’évolution de l’état du patient.
Cathéters centraux veineux et artériel
pour une administration précise des catécholamines (leur utilisation se fait au PSE avec des débits et des concentrations très précises). Le kt artériel permet une surveillance continue de la pression artérielle.
Surveillance de la diurèse : pour évaluer la fonction rénale.
Tant que le patient est en oligo-anurie, il est en état de choc. Et la reprise de la diurèse est un signe de l’amélioration de la fonction hémodynamique.
Prise en charge symptomatique de la défaillance hémodynamique
Évaluation précise des paramètres hémodynamiques
Des techniques invasives peuvent être utilisées pour évaluer précisément les paramètres hémodynamiques et guider la prise en charge :
Pression artérielle invasive
Mesurée en continu par un cathéter artériel relié à un capteur de pression.
Pression veineuse centrale
Mesure la pression dans la veine cave supérieure et permet d’évaluer la précharge cardiaque.
Pression capillaire pulmonaire
Mesure la pression dans les capillaires pulmonaires et permet d’évaluer la pression d’éjection du ventricule gauche.
Débit cardiaque
Mesure le volume de sang pompé par le cœur chaque minute.
Échographie cardiaque
Examen de référence pour l’évaluation hémodynamique initiale d’un patient en état de choc.
Remplissage vasculaire
Si nécessaire pour optimiser le débit cardiaque, en utilisant des cristalloïdes (solution saline 0,9%) ou des colloïdes (solution de protéines) selon le type de choc.
Catécholamines (pour augmenter la PA), selon l’étiologie du choc :
- la noradrénaline, puissant vasoconstricteur, souvent utilisé dans les chocs septique
- l’adrénaline, habituellement utilisé dans les choc allergiques.
- dobutamine qui augmente la puissance contractile du cœur, utilisé pour le choc cardiogénique
Assistance circulatoire extracorporelle
Dans les cas les plus graves de défaillance cardiaque, une assistance circulatoire extracorporelle (ECMO) peut être nécessaire pour assurer la perfusion des organes.
Prise en charge symptomatique des autres défaillances d'organes
Les défaillances d’organes associées au choc (insuffisance respiratoire, insuffisance rénale aiguë, coagulation intravasculaire disséminée, dysfonction hépatique) doivent être surveillées et traitées selon leur gravité.
Des traitements spécifiques sont utilisés pour traiter les défaillances d’organes, comme la ventilation mécanique pour l’insuffisance respiratoire, l’épuration extrarénale pour l’insuffisance rénale aiguë, ou la transfusion de plaquettes et de plasma frais congelé pour la coagulation intravasculaire disséminée.
Prise en charge selon l'étiologie
Le traitement vise à améliorer la fonction cardiaque, l’idéal étant le traitement de l’étiologie, par exemple une revascularisation coronaire en cas de syndrome coronaire :
- par coronarographie
- ou thrombolyse
parfois pour maintenir l’hémodynamique on peut être amené à utiliser la dobutamine (inotrope positif) ± noradrénaline (amine vasopressive) si l’hypotension persiste.
Le remplissage est contre-indiqué si OAP + hypotension (car peut aggraver la détresse respiratoire).
Le traitement vise à supprimer l’obstacle à la circulation sanguine, par exemple par une thrombolyse en cas d’embolie pulmonaire ou un drainage en cas de tamponnade cardiaque.
Le traitement vise à reconstituer le volume sanguin perdu, par exemple par des transfusions sanguines en cas d’hémorragie ou remplissage vasculaire rapide, par soluté cristalloïde (SSI 0,9%) environ 30 ml/kg (soit 1 800 ml pour un adulte de 60 kg, à passer au maximum sur 3 h pour corriger les signes de choc ) et obtenir une PAM de 65 mmHg.
Le traitement vise à traiter l’infection responsable du choc, par exemple par l’administration d’antibiotiques et le drainage du foyer infectieux.
Le traitement vise à stopper la réaction allergique et à gérer les symptômes, par exemple par l’administration d’adrénaline (la dose usuelle est de l’ordre du 1/10e des doses de l’arrêt cardiaque = 0,1 mg) et d’antihistaminiques.
Points clé
État de choc = Urgence vitale absolue.
Un état de choc est une situation grave mettant en jeu le pronostic vital du patient. Il est crucial d’agir rapidement et de manière efficace.
Un examen visuel complet du patient peu suffire pour prendre les bonnes décisions :
- des marbrures au niveau des genoux (importance de soulever les draps) sont suffisantes pour donner l’alerte.
- La prise des constantes (hypotension), allongement du temps de recoloration cutané (TRC) le recueil de quelques éléments du contexte (hémorragique, infectieux, thromboembolique ou cardiologique) suffisent à avoir une idée du mécanisme de choc pour entreprendre les premiers examens vers le diagnostic (lactates, pH) et le traitement adapté de cet état de choc avant son aggravation et son évolution vers un syndrome de défaillance multiviscéral (SDMV).
- L’appel du réanimateur est indispensable car la prise en charge d’un état de choc nécessite une expertise et un service spécialisé. Il est donc crucial d’appeler le réanimateur dès la suspicion du diagnostic.
Publication : janvier 2025